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Du Courage et encore du courage
Mon dieu, j’ai mal. Je vais mourir. Je ne sens plus mes jambes et pourtant je ne veux pas, je veux vivre.
Telles étaient les pensées de Jean, gisant au bas du profond ravin qui bordait la petite route verglacée empruntée avec sa voiture il y a déjà quelques heures. Quelques heures ? Quelques minutes ? Comment percevoir le temps écoulé entre le moment où le véhicule avait dérapé sans raison apparente et avait versé dans ce maudit ravin. Deux ou trois tonneaux et Jean s’était retrouvé les jambes coincées sous le tableau de bord. En reprenant ses esprits, il eut d’abord l’impression que la chance l’avait laissé indemne jusqu’au moment où il se rendit compte qu’un liquide chaud trempait son pantalon. Il y porta ses doigts et comme la nuit n’était pas encore tombée, il retira une main ensanglantée. La panique envahit son esprit, il était blessé et il ne savait s’il pourrait se dégager. Comme le klaxon ne fonctionnait plus, il se mit à crier, à hurler à chaque fois qu’il entendait le trop rare bruit d’un moteur. Il se rendit compte que l’on ne pouvait voir sa voiture de la route et que crier ne servait à rien sinon à l’épuiser. Doucement, il sombra dans une inconscience. Ce fut le froid qui le sortit de sa léthargie.
Je dois m’en sortir seul, personne ne me trouvera ici. Je vais essayer de dégager mes jambes, ouvrir la portière et si j’arrive à remonter les quelques mètres qui me séparent de la route, je serai sauvé.
Oui, mais entre penser cela et le réaliser, il y avait d’énormes difficultés à surmonter. D’abord dégager la jambe droite et cela fut relativement aisé, mais si la gauche semblait ne plus saigner, tirer dessus lui causa une douleur fulgurante. Il cessa un long moment jusqu’au moment où la douleur devint plus sourde. Brusquement malgré le froid ambiant, il sentit monter en lui une bouffée de chaleur et des perles de sueur se mirent à mouiller son front. Mais il fallait réessayer, mobiliser toute sa volonté et faire preuve de courage. Brusquement lui revint en tête le récit de son grand-père, qui à moitié mort, était parvenu à sortir de la tranchée boueuse qui aurait dû le protéger de la mitraille ennemie et qui risquait de se transformer en tombeau.
Le courage, voilà la seule chose qui m’a permis de rester en vie, le courage mon petit, lui avait dit, ce géant bienveillant aux cheveux gris aux yeux de cet enfant à peine plus haut que son banc d’école, sans lui, je serais resté à agoniser au milieu des cadavres de mes amis. Je me suis servi de mes ongles pour m’extraire de la gadoue et ainsi attirer l’attention des brancardiers qui m’emmenèrent au poste de secours. Le courage, lui répétait-il, c’est la seule chose qui permet à l’humain de se tirer des mauvaises passes de l’existence. Tu dois t’en souvenir, du courage et encore du courage, voilà tout le secret de la vie que tu dois retenir..
Du courage et encore du courage, il me semblait que mon grand-père était brusquement revenu pour veiller sur moi et qu’il me répétait ce leitmotiv. Allons, encore un essai … doucement. Cela fait mal, c’est la preuve que tu vis encore. Oui j’ai mal, mais j’y arrive, je sens la chair de ma cuisse se déchirer au contact de la tôle froissée. Oh Bon Dieu, que cela fait mal, mais courage. Bon maintenant, tenter d’ouvrir la portière. Doucement puis plus fort. Quel soulagement, malgré sa déformation, elle accepte de s’ouvrir. Maintenant, m’extraire du siège, dieu que j’ai mal, j’ai mal, j’ai mal, mais je dois y arriver. Courage, encore du courage mon garçon et je me retrouve gisant sur le sol légèrement enneigé. Allons une minute de repos, puis encore une minute, je me laisse aller, je n’en sortirai jamais puisque mes jambes refusent de me porter. Mais je vois et j’entends mon grand-père. Hallucination? Mais tellement forte. Du courage, toujours du courage et de la volonté répète-t-il obstinément. La volonté ? Mais oui, la vérité est là. Allons essaie de ramper en t’aidant de tes mains et de tes ongles comme il l’a fait. Dieu, j’arrive à bouger.
Mais si le corps de Jean remonte péniblement de dix centimètres à la fois, souvent il glisse en arrière augmentant ainsi la distance de la montée de quelques mètres à accomplir pour atteindre la route salvatrice. C’est un chemin de croix aux arrêts innombrables. Il ne chute pas, il rampe et il rampe encore avec une souffrance de plus en plus forte, mais où à chaque fois, il entend la voix l’encourager. La pensée sans cesse répétée de « Grand-père je t’aime, je veux réussir à m’en sortir comme toi » est son adrénaline et un encouragement permanent à ne pas abandonner malgré son extrême faiblesse et sa lassitude. La nuit est profonde et lui semble un vaste linceul s’opposant à sa progression, mais il remonte la pente malgré tout. Il grelotte de froid, d’angoisse, de peur. Parviendra-t-il au sommet ? Ce n’est plus un talus qu’il escalade, mais le mont Blanc, l’Everest. Mais il progresse.
Le jour naissant lui révèle qu’il est en passe de réussir. Des cailloux, des branchages l’ont aidé et il se trouve pratiquement à un mètre de la route. Il ne sent plus ses mains, tout le bas de son corps et comme anesthésié lui laissant une douleur sourde.
J’y suis presque encore un dernier effort… tu ne vas pas renoncer maintenant. Courage, j’y arrive. Je vais rester bien allongé le long de la route pour attendre le premier véhicule qui passera et m’emmènera à l’hôpital. Je suis sauvé. Dieu merci, je suis sauvé !
C’est le boulanger du village voisin qui le découvrit, le hissa inconscient dans la cabine de sa camionnette et le conduisit au poste de secours des pompiers. Oui, il était sauvé, mais à la suite des examens médicaux, il se révéla que sa jambe gauche serait perdue.
Espérons qu’à son réveil, lorsqu’il apprendra l’horrible nouvelle, le mot courage s’imposera à lui comme il s’était imposé dans la carcasse de son véhicule accidenté. Courage, la seule chose qui permet à l’humain de se tirer des mauvaises passes de l’existence !